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  • Photo du rédacteurFrançois Xavier de Boissoudy

« Une esquisse qui devient une éthique de la tendresse"

CHRONIQUE ARTISTIQUE ET CONSOLANTE par Raphaël Lahlou :

« Une esquisse qui devient une éthique de la tendresse : le cas mélancolique, vivant et précis de Françoix-Xavier de Boissoudy... »



François-Xavier de Boissoudy est né en 1966. Mais c’est bien plus tard, au-delà d’une enfance et d’une jeunesse d’épreuves, qu’il est entré dans la lumière. Celle qu’il refusait jusque-là de dessiner ou de fixer, celle qui depuis l’habite et ne le lâche plus. Par ses toiles, par ses choix, par son sens du dessin et dans la mesure vivante de ses personnages, il s’est lancé dans le vœu d’une parole, dans l’acte d’un partage pictural et précis : celui d’une Annonciation. De sa vie personnelle, de sa croissance d’enfance et d’adulte passée hors de la révolte, je ne dirai rien de plus. Cette intimité ne m’appartient pas, et j’en parlerais, si je m’y avançais même sensiblement, trop certainement en maladroit sinon en mal, avec un manque de justesse et un risque de froissement qui n’iraient pas ; ce qui m’intrigue, ce qui me provoque et ce qui me va, c’est qu’au-delà de sa vie, par son action complète et peinte, par ce qu’il faut absolument et rigoureusement appeler une œuvre, Françoix-Xavier de Boissoudy offre une austérité douce, entre dans une tradition stricte mais fait aux autres: un accueil mesuré, mais il y a surtout, il y a aussi une absence totale de froideur dans la lumière. Qui devient par sa touche étonnante, sa lumière pleine, vive et personnelle. Constante et présente comme nulle autre dans l'art contemporain, hors de la domination de la tristesse. Car, qu’il fixe la masse rêveuse de Jérusalem, qu’il rappelle les étapes de la vie du Christ, qu’il médite sur les disciples et sur les apôtres, qu’il mesure l’espace-temps de l’Annonciation ou l’épisode de la Croix, qu’il invite à la rencontre chrétienne, au catholicisme partagé et actif, qu'il concentre son regard et sa vision, qu'il se consacre splendidement au renouvellement, à la prière solitaire ou commune, qu’il parvienne à montrer et à exprimer le couple, rien ne semble passé ni révolu, tout devient cadre et champ de lumière dans sa création de détail ou générale. Que parvient à dire et à offrir François-Xavier de Boissoudy ? Il ne fait pas que peindre, ce faisant : il prie, après avoir peut-être longtemps crié dans un désert qu’il a arpenté dans l’enfance. Ce cri s’est apaisé, approfondi aussi, et si la prière est oraison et guérison, la lumière qui baigne le temps fixé de Boissoudy dans ses toiles et sur ses espaces vibrants, devient au prix d’une lente et construite assurance, véritablement et en profondeur autant qu’en surface adoucie à voir : une prière de l’évidence, qui sort des doigts sinon des lèvres, pour se poser en oiseau de surprise sur l’ensemble des écrans libres et comme délivrés de l’inutilité du tumulte sonore, des vastes ou des modestes écrans et des écrins de vie et de silence heureux qui s’appelle l’acte de peindre. Que rend à voir Boissoudy ? La marque et la trace essentielle, le vibrato intense et ému d’un bonheur retrouvé ; et, si tout cela compte et pèse, c’est comme la plume et l’âme pour de bon, sérieusement, avec une gravité et une tendresse sacrée, comme une esquisse d’idéal moral et vivant, au final : c’est avec une étrange légèreté, comme dansante, devant les yeux et dans l’air, dans le trait, sur les murs et sur les autres supports de l’exercice spirituel du peintre. Boissoudy sans doute se méfie des miroirs, du factice, du clinquant, du fébrile. Mais il sait rencontrer les êtres, qu’il sait aussi laisser tranquillement aptes à découvrir la joie, qu’il sait faire sortir des rages, des orages noircis, et des tumultes mélancoliques. Par son cadrage étonnant des êtres, par son sens de l’espace et des paysages, par l’intensité de ses décors, par l’étincelle confiante qu’il met sous les regards, Boissoudy rend tout vivant. Sa modestie est solide, la vigueur de sa peinture l’est plus encore. La lumière baigne tout et tous, comme sortie d’une source étrange, mais pas étrangère, et qui s’intègre et pénètre une totalité détaillée du monde scrutée et des âmes devinées, des intériorités creusées, sondées mais respectées, chez Boissoudy, elle escorte et accompagne les paroles que l’on regarde, comme si elle offrait en fait une bande son d’intimité, une ferveur palpable qui se traduirait ailleurs par des mots ou dans la musique. Sa lumière présente les paysages, elle rassure les êtres et elle entre en paix dans les maisons… Boissoudy est précieux, parce qu’il est précis ; il est précis, parce qu’il sait ôter le chagrin, ou qu’il l’accompagne avec une sorte de geste permanent, constant mais discret : comme une inconsciente ou secrète, très simple et très douce esquisse de la tendresse. Il y a du moine apaisé, pas tout-à-fait : dépassionné, il y a du loup docile, il y a de l’oiseau et de la créature franciscaine et saluée, chez Boissoudy. Mais il y a aussi chez lui une profondeur esthétique, à la fois éthique et mystique, une chaleur tendre, une forme égale en degrés nets de rafraîchissement simple, adouci tour à tour et soudain plus fort à ressentir, de la peau jusqu'au cœur : un élan général et généreux donc, qui dégage le corps et l’âme engourdis, dans ce qu’il dessine, dans ce qu’il peint, dans ce qu’il fait naître et dans tout ce qu’il montre. En pleine lumière, dans une grande ardeur classique, de fervent à l’espagnole, ou bien et sans contradiction poétique et lucide, aussi : en continuateur lumineux et radieux de Poussin. Mais il y a chez cet orateur sacré des éclats, des élans, des lumières et coloris souples, ou bien : chez ce moine du pinceau et cet enlumineur discrets et renouvelés, une liberté un peu orageuse, parfois tentée par la colère assourdie, qui me semble comprendre et porter la réalité humaine, et l’Espérance dansée en plein regard. Son dessin est une caresse mystique. Il présente et nous montre une peinture qui prie, qui annonce et qui libère. Qui palpite et qui enchante. Qui illumine, et qui séduit, mais surtout : qui sait se vaincre et convaincre. Boissoudy est vivant, et c’est un moine sans clôture. A la belle gravité, et à la joie conquise. Et même quand il peint l’épreuve et la mort, c’est la vie qu’il exprime et traduit, dans un langage sérieux, solide et éternel… Transparent, limpide, libre et superbement simple. D’un haut degré d’incandescence et qui dégivre le monde visible par le recours puissant et pacifié à l’invisible. RL.

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